Le système judiciaire de la République islamique d’Iran
par Morgan Lotz
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Titre 1 : La constitution de la République islamique d’Iran
Chapitre 1 : Droit constitutionnel de la République islamique d’Iran
Section 1 : La constitution de la République islamique d’Iran
La constitution de la République islamique d’Iran se base sur deux sources légitimes, à savoir la souveraineté du peuple et la volonté divine. Reconnaissante des droits et des libertés individuels, elle reconnaît la pleine jouissance des droits civiques autant pour les hommes que pour les femmes. Bien qu’elle soit basée sur l’Islam shî’ite duodécimain, certaines lois fondamentales d’inspiration européenne en totale contradiction avec la doctrine du Shî’isme furent toutefois prises en compte dans l’élaboration du texte constitutionnel.
La République islamique d’Iran est un système politique de type républicain mêlant les principes islamiques avec une direction présidentielle unitaire, de manière théocratique et constitutionnelle, qualifié de système khomeyniste du nom de son penseur Rouhollâh Khomeyni. Il se compose d’un dirigeant religieux, d’un pouvoir exécutif tenu par le gouvernement présidé par le Président de la République, d’un pouvoir législatif tenu par un parlement dénommé Assemblée consultative islamique et d’un pouvoir judiciaire tenu par deux instances, la Cour suprême d’Iran et le Conseil des Gardiens de la Constitution. L’élection présidentielle est réalisée au suffrage universel direct et toute révision constitutionnelle doit être ratifiée par voie de référendum. Le parlement s’avère être monocaméral, c’est-à-dire composé d’une seule chambre parlementaire, semblablement à la Constitution de la Deuxième République française, dite Constitution du 4 novembre 1848.
Nombre d’articles sont accompagnés de citations coraniques ou de hâdiths, puisque ce système considère la piété et la foi comme les vecteurs nécessaires à l’élaboration et à la pérennité d’une société agréable. Bien que les deux premiers articles affirment la souveraineté de Dieu, le 6ème article oblige quant à lui des élections au suffrage universel pour la Présidence de la République et l’Assemblée consultative islamique. « L'État, du point de vue de l'Islam, n'est pas issu de la position des classes ou de la domination d'un individu ou d'un groupe ; mais c'est une cristallisation de l'idéal politique d'une nation de même religion et de même mentalité qui s'organise pour que, dans le processus de l'évolution intellectuelle et idéologique, elle ouvre sa voie vers l'objectif final : la marche vers Dieu. » (Préambule Constitution)
Jusqu’à sa mort en 1989, l’ayatollâh Khomeyni dirige l’Iran en appliquant son principe du velayat-é faqih, littéralement la « tutelle du docteur de la loi religieuse » : « […] l'objectif est de développer l'Homme dans un mouvement vers l'ordre divin (« Le retour final sera vers Dieu » Qorân ; III, 28), afin que le terrain soit préparé pour la révélation et l'épanouissement des capacités dans l'intention de faire apparaître les dimensions divines de l'Homme (« Façonnez-vous selon les préceptes de Dieu. »). » (Préambule de la Constitution). Il avait élaboré durant son exil cette théorie politique considérant que le Guide suprême investi du pouvoir n’exerce en fait qu’une simple régence dans l’attente du Douzième Imâm, considéré par le Shî’isme comme le véritable titulaire du pouvoir en raison de sa mission de rétablissement de la paix et de la justice, et de préparation de la parousie de Jésus-Christ.
Section 2 : République et Islam
La question concernant la compatibilité entre la république et l’Islam est souvent posée, avec l’étonnement de voir ces deux éléments s’associer. En réalité, il convient de se pencher plus attentivement sur la notion de république telle que l’admettaient les Grecs anciens, et notamment Platon, dont l’apport intellectuel au sein de la philosophie et de la mystique islamique est considérable.
Dans son ouvrage Les mondes chiites et l’Iran, Sabrina Mervin explique que « les doctrines de Rouhollâh Khomeyni […] s'inscrivent en partie dans la tradition des utopies islamiques passant par al-Farâbî (872-950), Ibn Arabî (1165-1240) et Mollâ[1] Sadrâ Shirâzi (1572-1640), elles-mêmes inspirées par le concept du sage vertueux qui gouverne la cité dans La République de Platon »[2]. Le philosophe Anoush Ganjipour complète cette explication au sujet de Khomeyni : « il ne comprenait certainement pas ce que voulait dire la République au sens moderne, en revanche, […] dans ses oreilles sonnait immédiatement La République de Platon, les textes qu'il enseignait pendant toute sa vie. »[3] La république est entendue par les Grecs et les Romains un système d’organisation politique dans lequel le pouvoir est exercé par des personnes nommées ou élues selon le mode de scrutin instauré.
Section 3 : L’exercice du pouvoir et le Shî’isme
Pour le Shî’isme, la révélation du sens spirituel est encore à attendre, et c’est là la tâche herméneutique dont sont investis les Imâms. Cette révélation ne sera complète qu’une fois accomplie la parousie de l’Imâm caché, c’est-à-dire du Douzième Imâm qui reviendra guider les croyants afin qu’ils ne s’égarent pas lors de la fin des temps. La métaphysique shî’ite étant dominée par l’idée de Dieu inconnaissable, inaccessible et innommable dans son Essence, se dégage alors l’idée de son épiphanie dans un plérôme de quatorze entités de lumière manifestées sur Terre : il s’agit des « Quatorze Immaculés », comprenant le Prophète, sa fille Fâtima et les Douze Imâms.
Le Shî’isme se définit comme une religion d’amour spirituel initiant à la connaissance de soi dans laquelle le Prophète est le sceau de la prophétie et l’Imâm le sceau de la walâyat. Walâyat signifie « amitié » en arabe et se rapporte à la dilection et l’amour que professent les adeptes à l’égard des Imâms. Ce cycle de la walâyat constitue une initiation progressive au sens intérieur, spirituel, ésotérique (appelé bâtin) des Révélations divines. Puisqu’il existe de la sorte un lien personnel entre le croyant et les saints Imâms, il n’est donc guère nécessaire de se grouper en taqîqats et de suivre l’enseignement de shaykhs pour être guidé. On pourrait penser que l’Imâmat est une simple succession de pouvoir et d’autorité – il n’en est rien. Il est important de comprendre que l’Imâmat ne se transmet pas parce que l’Imâm successeur est le fils, mais qu’il est justement le fils parce que l’Imâmat se transmet à lui. L’Imâm est en fait un pôle mystique duquel se transmet la lumière divine qui illumine l’âme depuis le monde de l’Amour, monde que Sohravardî décrit comme Nâ-kodjâ Abâd (littéralement le « pays du non-où »), le monde au-delà du « lieu » de ce monde. Ainsi Henry Corbin qualifierait l’Imâm comme le « (…) mystère du chaque-fois-unique de tous les Uniques, de l’Un multiplié à l’infini par lui-même et qui est toujours l’Un unique. »[4]
Sur le plan doctrinal shî’ite, la pensée khomeyniste est en contradiction avec les enseignements de prudence et de discrétion des Imâms, dont le seul pouvoir juste et légitime n’est autre que le leur puisqu’il émane de Dieu. Le Shî’isme politique constitue un véritable paradoxe tel qu’il se définit dans ses sources fondatrices – à savoir le Coran et les hâdiths du Prophète et des Imâms – comme une initiation ésotérique et mystique à caractère quiétiste dénuée de toute vocation politique. Plus important encore, plusieurs Imâms ont formellement défendu toute participation au pouvoir, la dénonçant semblablement à un égarement certain de la Voie droite.
En dépit de ce Shî’isme rationaliste, le Shî’isme originel – dénommé bien souvent traditionaliste – a perduré à travers des écoles de philosophie et des confréries mystiques. En connaissance de cette histoire, il n’est dès lors plus étonnant de constater que la première opposition au concept de velayat-é faqih et conséquemment à la République islamique d’Iran provienne du clergé shî’ite lui-même.
Chapitre 2 : La République islamique d’Iran, principes et objectifs d’une théocratie
Section 1 : Les principes de la République islamique d’Iran
Le préambule de la Constitution affirme que les tentatives d’abolition des régimes considérés comme « despotiques » ont échoué en raison de l’absence de référence à la religion. À travers cette constitution, les fondements de ce système institutionnel se définissent donc par l’Islam shî’ite. Dans le premier article est expliquée la forme de gouvernement que constitue la République islamique.
Le 2ème article de la Constitution définit les principes de la République islamique d’Iran :
« La République islamique est un régime basé sur la foi en :
1 – Dieu unique (Il n'y a de dieu que Dieu) et l'exclusivité de sa souveraineté et sa législation et la nécessité de se soumettre à son commandement.
2 – La Révélation divine et son rôle fondamental dans l'expression des Lois.
3 – La Résurrection et son rôle constructif dans l'évolution de l'Homme vers Dieu.
4 – La Justice de Dieu dans la Création et dans la législation.
5 – L'Imâmat, sa direction permanente et son rôle essentiel dans la poursuite de la Révolution de l'Islam.
6 – La dignité et la valeur éminentes de l'être humain et sa liberté associée à sa responsabilité devant Dieu, qui assurent l'équité, la justice et l'indépendance politique, économique, sociale et culturelle ainsi que la solidarité nationale, au moyen :
a) de l'effort constant des jurisconsultes islamiques (idjtihâd) réunissant toutes les conditions requises, conformément au Livre et à la Tradition des Immaculés, la paix de Dieu soit avec eux tous,
b) de l'utilisation des sciences, des techniques et des expériences développées de l'humanité et de l'effort pour les faire progresser,
c) du refus de toute forme d'oppression exercée ou subie et de toute domination exercée ou acceptée. »
Section 2 : Les objectifs de la République islamique d’Iran
La République islamique d’Iran définit ses objectifs dans le 3ème article de sa Constitution :
« Le gouvernement de la République islamique d'Iran a le devoir, pour atteindre les objectifs mentionnés dans le 2ème article, de mettre en œuvre tous les moyens dont il dispose pour les domaines ci-dessous :
1 – Création d'un environnement favorable au développement des vertus morales fondées sur la foi, la piété et la lutte contre toute manifestation de corruption et de dégénérescence.
2 – Élévation du niveau des connaissances générales dans tous les domaines, par l'utilisation appropriée de la presse, des médias de masse et des autres moyens.
3 – Enseignement et éducation ainsi qu’éducation physique gratuits pour tous, à tous les niveaux, ainsi que facilitation et généralisation de l'enseignement supérieur.
4 – Renforcement de l'esprit d'étude, de recherche et d'innovation dans tous les domaines scientifiques, techniques, culturels et islamiques en créant des centres de recherche et en encourageant les chercheurs.
5 – Rejet total du colonialisme et prévention de l'influence étrangère.
6 – Élimination de toute forme de despotisme, d'autocratie et d'absolutisme.
7 – Garantie des libertés politiques et sociales dans les limites de la loi.
8 – Participation de l'ensemble de la population à la détermination de son propre destin politique, économique, social et culturel.
9 – Suppression des discriminations injustes et création de moyens équitables pour tous dans tous les domaines matériels et spirituels.
10- Mise en place d'un système administratif approprié et suppression des organismes inutiles.
11 – Renforcement total de l'ensemble des capacités de défense nationale au moyen de l'instruction militaire généralisée en vue de préserver l'indépendance, l'intégrité territoriale et le régime islamique du pays.
12 – Établissement d'une économie saine et équitable en conformité aux préceptes islamiques en vue de créer la prospérité, d'éliminer la pauvreté et de se débarrasser de toute sorte de privation dans les domaines de l'alimentation, du logement, de l'emploi et de la santé, et généralisation de l'assurance.
13 – Garantie de l'autosuffisance dans les sciences et les techniques relatives à l'industrie, à l'agriculture, aux affaires militaires et aux domaines analogues.
14 – Garantie à tous égards des droits des individus, homme et femme, création d'une sécurité judiciaire équitable pour tous ainsi qu’égalité de tous devant la loi.
15 – Développement et consolidation de la fraternité islamique et de la coopération générale entre tous.
16 – Formulation de la politique étrangère du pays sur la base des critères de l'Islam, de l'engagement fraternel envers tous les Musulmans et le soutien sans réserve de tous les déshérités du monde. »
Section 3 : Les minorités religieuses dans la Constitution
Les minorités religieuses (en Iran, les Zoroastriens, les Juifs et les Chrétiens arméniens, chaldéens et assyriens) sont reconnues par l’article 13 de la Constitution, qui leur garantit le droit de professer librement leur culte et de constituer des sociétés religieuses. Chaque minorité dispose d’un représentant au Parlement à partir de 200 000 personnes ; cependant, une exception est faite pour les Juifs qui disposent d’un représentant bien qu’ils soient beaucoup moins nombreux. Le nombre de députés élus pour chaque communauté religieuse est fixé par l’article 64.
Chapitre 3 : Les institutions de la République islamique d’Iran
Section 1 : Le Guide de la Révolution
Le Guide de la Révolution (rahbar-é enqelâb), aussi appelé « Gardien de la jurisprudence » (vali-yé faqih) en raison de ses compétences, est le plus haut responsable politique et religieux. Il est par conséquent le chef de l’État iranien, son rôle consacrant la prédominance du domaine religieux sur le domaine politique. L’expression « Guide suprême » (rahbar-é moazzam) est quelquefois usitée en signe de respect, bien qu’elle n’existe pas dans la Constitution.
Lorsqu’on l’interrogeait sur la question du velayat-é faqih, l’ayatollâh Khomeyni répondait : « La constitution iranienne mélange des concepts à la fois démocratiques et théocratiques. » Il considérait que la jurisprudence islamique ne pouvait en aucun cas être confiée à une personne ignorante ou incompétente afin de la préserver. Selon cette pensée, seuls les juges et les érudits peuvent donc assumer de telles responsabilités. Le pouvoir religieux prime sur le pouvoir politique, contredisant ainsi la tradition shî’ite qui considère le domaine religieux comme devant nécessairement se séparer du domaine politique jusqu’à l’arrivée du Douzième Imâm, l’Imâm caché. Pour le Shî’isme, la parousie de l’Imâm caché est une attente de chaque croyant pour qui celui-ci n’a jamais véritablement disparu, malgré son occultation.
L’ayatollâh Khomeyni demeurait pourtant sur la réserve quant à la participation directe du clergé au sein de l’appareil gouvernemental et s’y résigna devant les événements survenus entre 1979 et 1982, à savoir les attentats et assassinats ciblés des personnalités politiques orchestrés par l’organisation terroriste des Moudjahiddines du Peuple iranien et la guerre imposée à l’Iran par l’Irak. Faribâ Adelkhâh rappelle le rôle politique que joua Khomeyni et son évolution : « Tout en imposant le « gouvernement du jurisconsulte » (velayat-é faqih) en 1982-1983, il s’est lui-même tenu à l’écart de la gestion quotidienne de l’État en se bornant à en fixer les orientations directrices et en procédant à des arbitrages entre les différentes factions ou les différents courants du nouveau régime, et en veillant à ne pas confondre ses fonctions politiques et son magistère religieux. […] De même, il a créé en 1987 le Conseil du Discernement pour arbitrer les conflits récurrents entre le Conseil des Gardiens de la Constitution et le Parlement, plutôt que de trancher lui-même en tant qu’autorité religieuse ou en tant que chef d’État. »[5]
Le rôle du Guide de la Révolution est défini par les articles 108 à 112 de la Constitution. L’article 109 définit les qualifications du Guide : « Les conditions et les qualifications du Guide :
1 – Compétence scientifique nécessaire pour se prononcer (iftaâ) sur les différents chapitres de la jurisprudence religieuse (fiqh).
2 – Équité et vertu nécessaires pour guider la communauté de l'Islam.
3 – Clairvoyance adéquate politique et sociale, discernement, courage, capacité à diriger et un pouvoir suffisant pour la direction.
En cas de pluralité de personnes remplissant les conditions ci-dessus, la personne qui possèderait les connaissances religieuses et politiques les plus approfondies aura la préférence. »
Ses devoirs et ses pouvoirs sont quant à eux définis par l’article 110 : « Les devoirs et les pouvoirs du Guide :
1 – Détermination des politiques générales du régime de la République islamique d'Iran après consultation avec le Conseil de Discernement de l'Intérêt supérieur du Régime.
2 – Supervision de la bonne exécution des politiques générales du régime.
3 – Décréter un référendum.
4 – Commandement suprême des forces armées.
5 – Déclaration de guerre, proclamation de la paix et mobilisation des forces.
6 – Nomination, révocation et acceptation de la démission :
a) des jurisconsultes islamiques du Conseil des Gardiens de la Constitution ;
b) de la plus haute autorité du pouvoir judiciaire ;
c) du directeur de la Radiodiffusion-Télévision de la République islamique d'Iran ;
d) du Chef d'état-major général des armées ;
e) du Commandant en chef du Corps des Gardiens de la Révolution islamique ;
f) des commandants en chef des forces militaires et des forces de l'ordre.
7 – Règlement des différends et coordination des relations entre les trois pouvoirs.
8 – Règlement des problèmes difficiles du régime insolubles par la voie ordinaire, par l'intermédiaire du Conseil de Discernement de l'Intérêt supérieur du Régime.
9 – Signature du mandat de la Présidence de la République après élection par le peuple – l'aptitude des candidats à la Présidence de la République au regard des conditions qui sont énumérées dans cette loi doivent être approuvées avant l'élection par le Conseil des Gardiens de la Constitution, et, pour le premier mandat, par le Guide.
10 – Révocation du Président de la République, en tenant compte des intérêts du pays, après un arrêt de la Cour suprême du pays constatant le manquement à ses obligations légales ou un vote de l'Assemblée consultative islamique constatant son incapacité selon le 89ème article.
11 – Amnistie ou réduction de peine des condamnés, dans les limites des préceptes islamiques et sur proposition du Chef du pouvoir judiciaire.[6]
Le Guide peut déléguer certains de ses devoirs et de ses pouvoirs à une autre personne. »
Le premier Guide de la Révolution fut l’ayatollâh Rouhollâh Khomeyni, du 3 décembre 1979 jusqu’à sa mort survenue le 3 juin 1989. L’ayatollâh ‘Ali Khâmenei lui succéda le 4 juin 1989 ; il est toujours en fonction à ce jour.
Le Guide de la Révolution est désigné par l’Assemblée des Experts, qui détient également le pouvoir de le destituer. Aucune durée de fonction n’est prévue par la Constitution, aussi cette dernière peut-elle être à vie. L’article 111 prévoit l’intérim en cas de vacance du Guide : « En cas de décès, de démission ou de révocation du Guide, les Experts ont le devoir d'agir dans les plus brefs délais pour la désignation et la présentation du nouveau Guide. Jusqu'à la présentation du Guide, un conseil composé du Président de la République, du Chef du pouvoir judiciaire et d'un des jurisconsultes islamiques du Conseil des Gardiens de la Constitution élu par le Conseil de Discernement de l'Intérêt supérieur du Régime, assume provisoirement toutes les attributions du Guide ; […] »
Les Guides de la Révolution :
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Rouhollâh Moussavi Khomeyni (1979-1989)
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‘Ali Husseini Khâmenei (depuis 1989)
Section 2 : Le Président de la République islamique d’Iran
L’élection du Président de la République islamique d’Iran s’effectue à travers une élection nationale au suffrage universel direct, dans laquelle l’ensemble des citoyens peuvent voter dès l’âge de 18 ans. Il est élu pour un mandat de 4 ans, renouvelable une fois.
Le rôle de chef de l’État étant à proprement parler tenu par le Guide de la Révolution, la fonction de Président de la République islamique d’Iran n’en demeure pas moins un rôle très important au sein des institutions politiques, puisqu’il est le chef du gouvernement. Instituée en 1979, cette fonction à l’origine honorifique prit de l’importance, particulièrement après l’abolition du poste de Premier ministre en 1989.
Le Président de la République islamique d’Iran remplit de nombreuses fonctions de chef de l’État, notamment celles de Premier ministre depuis la modification de la Constitution en 1989. Il est responsable de la mise en œuvre de la Constitution et de l’exercice du pouvoir exécutif, il nomme et dirige le Conseil des Ministres avec lequel il coordonne les décisions gouvernementales et projets de lois soumis au Parlement. Cependant, l’exécutif iranien ne contrôle pas les forces armées.
Les 8 vice-présidents et les 21 ministres sont présentés au Parlement en vue d’une approbation résultant d’un vote de confiance. Les ministres du renseignement et de la défense sont généralement approuvés par le Guide avant leur présentation au Parlement.
Le Président de la République islamique d’Iran est de plus responsable devant les électeurs, tandis que le Guide de la Révolution ne l’est pas.
Le Président de la République islamique d’Iran est nommé dès sa prise de fonction au poste de président du Conseil de la Révolution culturelle, ainsi que président du Conseil supérieur de la Sécurité nationale.
Les Présidents de la République islamique d’Iran :
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Abolhassan Bani Sadr (1980-1981)
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Mohammad ‘Ali Radjâï (1981)
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‘Ali Khâmenei (1981-1989)
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‘Ali Akbar Hâshemi Rafsandjâni (1989-1997)
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Seyed Mohammad Khâtami (1997-2005)
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Mahmoud Ahmadinejâd (2005-2013)
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Hassan Rohâni (2013-2021)
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Seyed Ebrâhim Ra’isi al-Sâdâti (juin 2021)
Section 3 : L’Assemblée consultative islamique
L’Assemblée consultative islamique (en persan madjles-é shourâ-yé eslâmi) est la dénomination officielle donnée au Parlement iranien prévu dans les articles 62 à 99 de la Constitution. Ses 270 membres sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de 4 années. De plus, il compte un représentant de chaque confession religieuse pour 200 000 membres, exception faite pour les Juifs qui sont moins nombreux mais disposent tout de même d’un représentant au Madjles. Ainsi, les Zoroastriens, les Juifs, les Chrétiens assyriens, chaldéens et arméniens disposent de leurs représentants.
Ses prérogatives lui permettent de voter les lois, mais également d’approuver ou de renverser les ministres et le Président de la République.
Section 4 : Le Conseil des Gardiens de la Constitution
Le Conseil des Gardiens de la Constitution (en persan, shourâ-yé négahbân-é qânoun-é assâssi) se compose de 12 membres dont le mandat dure 6 ans : une moitié de faqih, c’est-à-dire de juristes islamiques, nommés par le Guide de la Révolution, et une autre moitié constituée de juristes spécialisés dans les divers domaines du droit, élus par le Madjles.
Son rôle, prévu par les articles 100 à 106, consiste à valider les lois votées par le Madjles ; de plus, les faqih sont chargés de vérifier la compatibilité des lois avec la Constitution et l’Islam. C’est également ce Conseil qui valide les candidatures aux élections. Son rôle est similaire au Conseil constitutionnel français.
Section 5 : Le Conseil de Discernement de l’Intérêt supérieur du Régime
Le Conseil de Discernement de l’Intérêt supérieur du Régime (en persan, madjma’-é tashkhis maslehat-é nozâr, dont le sens en français donne pour une traduction mot à mot « assemblée de détermination et conseil surveillant ») peut s’apparenter à un Conseil d’État français. Fondé par l’ayatollâh Khomeyni en 1987, il regroupe les six faqihs du Conseil des Gardiens de la Constitution, des dirigeants des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif (le Président de la République). À cela s’ajoutent une dizaine de personnalités nommées par le Guide de la Révolution.
Le Conseil de discernement statue sur la conformité des lois avec la Constitution et l’Islam dans le cas où le Madjles, le Conseil des Gardiens de la Constitution et l’Assemblée des Experts ne parviennent pas à s’entendre, il édicte les solutions législatives. L’ayatollâh Rafsandjâni le préside de février 1989 jusqu’à sa mort en janvier 2017, remplacé par l’ayatollâh Shaâhroudi, qui meurt en décembre 2018. Depuis, c’est Sâdeq Laridjâni qui préside ce Conseil.
Section 6 : L’Assemblée des Experts
L’Assemblée des Experts (en persan, madjles-é khobregân) est une instance se composant de 86 religieux élus au suffrage universel direct pour un mandat de 8 années. Seuls des clercs dont la candidature est agréée par le Conseil des Gardiens de la Constitution sont autorisés à se présenter.
Instaurée par l’article 108 de la Constitution de 1979, elle est élue pour la première fois en décembre 1982. Elle tient deux sessions ordinaires par an à Téhéran ou à Mashhad, bien que son siège officiel soit situé à Qom. Ses prérogatives lui permettent notamment d’élire et de révoquer le Guide de la Révolution.
Section 7 : Le Conseil supérieur de la Sécurité nationale
Institué par l’article 176 de la Constitution, le Conseil supérieur de la Sécurité nationale (en persan, shourâ-yé ali-yé amniât-é melli) est l’organe de la République islamique d’Iran chargé de définir la politique internationale et de veiller à la sécurité du pays en supervisant les forces armées iraniennes. Il est présidé par le Président de la République qui en nomme également le secrétaire. Ce Conseil remplace depuis le référendum constitutionnel de 1989 le Conseil suprême de Défense institué en 1980.
Section 8 : Le déroulement des élections
Les douze membres du Conseil des Gardiens de la Constitution étudient et approuvent les différentes candidatures. Le candidat ou la candidate doit remplir les conditions suivantes : être shî’ite duodécimain, avoir entre 25 et 75 ans, être exempt de toute condamnation judiciaire et regrouper des antécédents favorables, ne pas avoir servi la monarchie et demeurer loyal à la République islamique d’Iran. Selon son 115ème article, la Constitution exige les conditions suivantes : d’origine et de nationalité iranienne, pieux et vertueux, le candidat ou la candidate doit également faire preuve de qualités d’administration avisées, être honnête et digne de confiance et demeurer attaché aux fondements de la religion shî’ite et de la République islamique d’Iran.
Une candidature ne réunissant pas ces conditions peut se voir délivrer un veto par le Conseil des Gardiens de la Constitution, comme c’est le cas pour la plupart des dossiers. À titre d’exemple, 4 candidatures parmi 238 furent approuvées en 1997. Aucune interdiction n’existe concernant la candidature des femmes, contrairement à ce qui est parfois affirmé.
Selon le 131ème article de la Constitution, en cas d’incapacité d’exercer le pouvoir (décès, révocation, démission, absence ou maladie de plus de deux mois) ou d’impossibilité d’élire un successeur, le premier vice-président exerce l’intérim du pouvoir sous réserve de l’accord du Guide de la Révolution. Jusqu’à la modification constitutionnelle de 1989, un Conseil présidentiel provisoire composé du Premier ministre, du Président de l’Assemblée consultative islamique et du Président de la Cour suprême assumait la tenue du pouvoir dans l’attente des nouvelles élections.
La majorité électorale est fixée à l’âge de 18 ans pour les élections présidentielles, législatives (Assemblée consultative islamique) et pour l’Assemblée des Experts, tandis que ce droit est acquis dès l’âge de 15 ans pour les autres élections (par exemple municipales).
Section 9 : La révision constitutionnelle de 1989
L’ayatollâh Khomeyni publie un décret le 24 avril 1989 convoquant une Assemblée extraordinaire pour réviser la Constitution. Il s’agit du Conseil pour la Révision de la Constitution (en persan, shourâ-yé bâznegari-é qânun-é asâsi).
Les articles 5, 107, 109 et 111 se trouvent modifiés : le Guide de la Révolution n’est alors plus obligatoirement un mardja-é taqlid – c’est-à-dire la plus haute autorité de jurisprudence shî’ite duodécimaine –, le poste de Premier ministre est supprimé et le rôle du Conseil de Discernement de l’Intérêt supérieur du Régime se retrouve renforcé. Un 13ème et 14ème chapitre sont également ajoutés, comprenant chacun un article, les 173ème et 177ème.
D’autres changements sont également actés par cette révision constitutionnelle : l’Assemblée des Experts passe à 86 membres et se voit conférer la possibilité d’organiser une session annuelle au cours de laquelle elle peut déterminer des capacités mentales et physiques du Guide de la Révolution dans l’accomplissement de ses fonctions. De plus, le Conseil de Discernement de l’Intérêt supérieur du Régime, créé l’année précédente par Khomeyni lui-même, devient une institution permanente.
Cette révision constitutionnelle est approuvée par référendum lors de l’élection présidentielle du 28 juillet 1989 avec 97,38 % des voix exprimées et entre en vigueur le 6 août suivant.
Titre 2 : Le droit et son application dans le système judiciaire iranien
Chapitre 1 : Le droit iranien
Section 1 : Les sources du droit islamique shî’ite en Iran
Le Shî’isme duodécimain, auquel appartient la majorité des shî’ites, est aussi dénommé école dja’farite en référence au VIème Imâm Dja’far al-Sâdiq (83-148/702-765) ou école des Ahl al-Bayt, « les Gens de la Demeure », c’est-à-dire la famille du Prophète à laquelle appartient la lignée de Fâtima et des douze Imâms. En Iran est appliqué le droit islamique shî’ite, inspiré bien évidemment par la shari’at (la loi positive, l’exotérique, le zâhir), la tradition (sunna) et les hâdtihs du Prophète et des Imâms, mais également par les travaux de plusieurs juristes shî’ites, à savoir le Lam’ah damashqiyah de Sheykh Mohammad ibn Maki ibn Ahmad ‘Amili Nabati Djazini (734-786), Shariâ al-Eslâm fi mosâ’il al-halâl va al-harâm de Muhaqeq Helli (1205-1277), Djâhar al-Kalâm de Mohammad Hassan Nadjafi (vers 1785-1850) ou bien encore Tahrir al-vasileh de Rouhollâh Khomeyni (1902-1989).
Section 2 : Les textes de loi
Le Code civil fut conçu pour la première fois en 1933 selon le droit islamique se basant sur la jurisprudence islamique (fiqh) mais puise également son inspiration dans le droit des obligations français en ce qui concerne la notion de dol.
Le Code pénal islamique (qânoun-é madjâzât-é eslâmi) fut approuvé par l’Assemblée consultative islamique le 30 juillet 1991 et ratifié par le Conseil de Discernement de l’Intérêt supérieur du Régime le 28 novembre suivant, remplaçant dès lors le Code pénal général (qânoun-é madjâzât-é ‘omoumi) en vigueur depuis le 13 janvier 1926. Le Code pénal islamique se compose de cinq livres : 1) koliyât (notions générales), composé de 216 articles, 2) hudud, 211 articles, 3) qesâs, 90 articles, 4) diyât, 203 articles et 5) ta’zirât va modjâzât-hâ-yé bâzdârandeh (ta’zir religieux et punitions dissuasives), 231 articles adoptés le 22 mai 1996.
Section 3 : Les peines
Le ta’zir désigne dans la loi islamique une punition judiciaire en réponse à une infraction ou à un péché dont la peine n’est pas précisée dans le Qorân ou les hâdiths. Elle est donc fixée de manière discrétionnaire par un juge, un dirigeant ou un État, sans obligation d’égalité entre des accusés ou d’uniformité temporelle. Les deux niveaux supérieurs sont : le had (hudud au pluriel et se traduisant par « limite »), fixé dans le Qorân par la parole divine, et les hâdiths et répondant de manière impérative au vol, aux relations sexuelles classées comme illicites, au viol, à l’apostasie et à la consommation de substances défendues ; le qesâs (signifiant « représailles en nature »), permettant des représailles à égalité à un homicide ou à une lésion corporelle reçue par la victime à la condition que ces dernières soient perpétrées intentionnellement, et son équivalent financier, le diyah (signifiant « argent du sang ») prévoyant une compensation monétaire remplaçant le qesâs et fixée à hauteur du préjudice. Dans le cas d’un qesâs, le pardon de la victime accordé au coupable annule la peine.
Exemple de la loi sur le hedjâb vestimentaire obligatoire :
« L’article 102 de la loi Ta’zir, adoptée le 2 novembre 1983 par l’Assemblée consultative islamique, rendait le hedjâb vestimentaire obligatoire. Cet article est rattaché en 1996 à l’article 141 du Code pénal islamique : « Quiconque prétend commettre des actes prohibé (haram) en public, dans les lieux publics ou dans la rue, en plus de la peine d’emprisonnement, sera condamné à une peine de 10 jours à deux mois d’emprisonnement ou 74 coups de fouet. Remarque : Les femmes qui comparaissent en public sans voile religieux seront condamnées à des coups de fouets jusqu’à 74 coups de fouet. » Selon l’article de ce Code pénal, le juge peut décider de commuer l’emprisonnement et la flagellation en amende. De plus, l’article 638 adopté en 1996 complète l’article 141 en précisant l’obligation du port du hedjâb vestimentaire obligatoire pour les femmes : « Les femmes qui se présentent en public sans voile religieux seront condamnées à un emprisonnement de dix jours à deux mois ou à une amende de cinquante mille à cinq cent mille rials ». »[7]
Chapitre 2 : Le système judiciaire iranien
Le système judiciaire iranien est organisé dans le 11ème chapitre de la Constitution de la République islamique d’Iran, regroupant les articles 156 à 174.
L’article 156 définit le pouvoir judiciaire et précise ses fonctions :
« Le pouvoir judiciaire est un pouvoir indépendant, protecteur des droits individuels et collectifs, responsable de la mise en œuvre de la justice et chargé des fonctions suivantes :
1 – Examen et jugement au sujet des doléances, des injustices et des plaintes ; règlement des litiges et apaisement des différends ; prise de décisions et de mesures nécessaires dans certaines des affaires gracieuses qui seront déterminées par la loi.
2 – Restauration des droits de la communauté et extension de la justice et des libertés légitimes.
3 – Contrôle de la bonne application des lois.
4 – Détention des crimes, poursuite, punition et ta’zir des coupables, et application des peines discrétionnaires ainsi que des peines déterminées par la législation pénale codifiée de l'Islam.
5 – Mesures appropriées pour prévenir la survenance de crimes et amendement des délinquants. »
Le système judiciaire de la République islamique d’Iran est fondé sur l’instruction, semblablement au système judiciaire français.
Section 1 : L’autorité judiciaire
Un théologien (mudjtahid) dont les compétences requises sont celles d’être « juste, averti des affaires judiciaires, capable de diriger et habile » est désigné par le Guide la Révolution au poste de Chef du pouvoir judiciaire pour une durée de cinq ans (article 157). L’article 158 énumère ses fonctions comme suit : « 1 – Création des structures nécessaires au sein de l'institution de la Justice, en proportion avec les responsabilités de l'article 156ème. 2 – Élaboration de projets de loi judiciaires adaptés à la République islamique. 3 – Recrutement de juges justes et dignes, révocation et nomination, déplacement du lieu d'exercice de leurs fonctions, détermination du contenu de leurs fonctions, de leur promotion et des questions administratives semblables à celles-ci, conformément à la loi. »
Un ministre de la Justice est proposé par le Chef du pouvoir judiciaire au Président de la République, ce dernier pouvant être accepté ou refusé. Son rôle est d’assumer « la responsabilité de toutes les questions liées aux rapports du pouvoir judiciaire avec le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif » et il peut également se voir déléguer « les pleins pouvoirs financiers et administratifs, ainsi que les pouvoirs de recrutement, sauf pour les juges. » (article 160).
Une Cour de Justice administrative est instituée sous le contrôle du Chef du pouvoir judiciaire pour « l'examen des plaintes, des doléances et des protestations de la population à l'encontre des agents, des organes ou des règlements gouvernementaux et la revendication de leurs droits » (article 173).
Section 2 : La Cour suprême
La Cour suprême est chargée de « l'application correcte des lois par les tribunaux, d’assurer l'unité de la jurisprudence et d'exercer les responsabilités qui lui seront attribuées selon la loi, sur la base des critères fixés par le Chef du pouvoir judiciaire. » (article 161). Son président, ainsi que son procureur général, tous deux nommés par le Chef du pouvoir judiciaire pour une période de cinq ans après consultation des juges de la Cour suprême – doivent être des théologiens (mudjtahid) « justes et avertis des affaires judiciaires. » (article 162).
Les Chefs de la Cour suprême furent :
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Mehdi Sadjâdiân (avril 1979 – février 1980)
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Mohammad Beheshti (février 1980 – juin 1981)
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Abdolkarim Mousavi Ardebili (juin 1981 – août 1989)
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Mohammad Yazdi (août 1989 – août 1999)
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Mahmoud Hâshemi Shâhroudi (août 1999 – août 2009)
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Sâdeq Lâridjâni (août 2002 – mars 2019)
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Ebrâhim Ra’isi (mars 2019 – juillet 2021)
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Gholâm-Hosseyni Mohseni-Eje’i (depuis juillet 2021)