La Seconde Guerre mondiale en Iran

 

par Morgan Lotz

 

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Saviez-vous que des réfugiés polonais furent accueillis en Iran ? Que le consul d’Iran à Paris sauva plusieurs milliers de Juifs condamnés à la déportation ? Que ce même consul put compter sur l’aide d’un médecin ouzbèk et d’un avocat mulhousien ? Que des Iraniens s’engagèrent dans l’armée française en 1940 ? L’Histoire de la Seconde Guerre mondiale en Iran est très fortement méconnue en Occident, voire oubliée pour la plupart de ces aspects.

Cet article commencera par présenter un résumé de la Première Guerre mondiale et étudiera brièvement l’évolution politique et historique de l’Iran au cours des années 1920 et 1930 pour mieux comprendre le contexte de la Seconde Guerre mondiale en Iran. Une première partie présentera l’invasion de l’Iran en 1941, une seconde ses aspects les plus méconnus et enfin une troisième présentera la période comprise entre 1942 et 1945.

 

 La Seconde Guerre mondiale en Iran 

 Première partie : La Seconde Guerre mondiale en Iran et son invasion en août 1941 

 

  1. L’éclatement de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à l’invasion de l’Iran (septembre 1939 – août 1941)
  1. Le contexte géopolitique entre 1939 et 1941

Lorsqu’éclate en Europe le 1er septembre 1939 le conflit qui allait devenir la Seconde Guerre mondiale, l’Iran entretient des relations diplomatiques et commerciales avec la plupart des belligérants mais n’en demeure pas moins officiellement neutre. En effet, Rezâ Shâh voyait d’un mauvais œil et avec une certaine inquiétude les ambitions britanniques et soviétiques concernant l’Iran, de même qu’il se méfiait de l’expansionnisme allemand et de son idéologie. De plus, les Anglais sont fortement contrariés par l’attitude de Rezâ Shâh vis-à-vis des Allemands, cette situation étant renforcées par de vieux contentieux qui perdurent. Devant l’évidence qu’aucun de ces acteurs ne servirait véritablement les intérêts iraniens, il proclame le 4 septembre 1939 la neutralité de l’Iran et réaffirme cette neutralité le 26 juin 1941 à la suite de l’invasion de l’URSS par les armées allemandes. Berlin répond à la dépêche spéciale de Téhéran par le respect du choix iranien ; les Britanniques y voient quant à eux une connivence sans fard, renforçant ainsi leur méfiance à l’encontre de l’Iran et les motivant à renforcer leur influence dans un pays qu’ils considèrent encore comme leur chasse gardée.

Devant le risque d’une utilisation des infrastructures pétrolières iraniennes au profit de l’Allemagne, le Royaume-Uni avait conclut avec l’Iran en mai 1939 un accord concernant le règlement des livraisons de pétrole basé sur un mécanisme de crédit. Sur la scène politique intérieure, Ahmad Matin-Daftari[1] remplace Mahmoud Jâm[2] au poste de Premier ministre le 26 octobre 1939 ; réputé germanophile, il s’entoure dans son cabinet de nombreux conseillers antibritanniques et germanophiles. Alors qu’il est chargé de développer un partenariat économique avec l’Allemagne, Rezâ Shâh, craignant des représailles de la part des Britanniques, le remplace le 26 juin 1940 par Ali Mansour[3] dont les tendances et les conseillers sont l’exact inverse de son prédécesseur et le fait mettre aux arrêts.

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Rezâ Shâh passant ses troupes en revue.

L’éclatement du conflit et la situation de juin 1940 résultant de la défaite de la France réduisent les exportations anglaises vers l’Iran et entrainent un dangereux déséquilibre au détriment des Britanniques. Cependant, la mécanisation du conflit et l’utilisation massive d’armes mécaniques comme les blindées, ainsi que la nécessité d’utiliser l’aviation et la marine, essentialisent  les ressources pétrolières en un atout stratégique s’avérant vital pour tous les belligérants. L’Iran est un important producteur de pétrole : en témoigne l’exemple de la raffinerie d’Abâdân, propriété de l’Anglo-Iranian Oil Company, qui produit à elle seule en 1940 plus de 8 millions de tonnes de produits pétroliers. De plus, les bases aériennes britanniques de la RAF (Royal Air Force) présentes au Moyen-Orient sont approvisionnées depuis Bakou, en Azerbaïdjân, et Abâdân, en Iran.

La Seconde Guerre mondiale au Moyen-Orient sera en grande partie basée sur l’enjeu pétrolier et la sape de l’appui que trouvent la Grande-Bretagne et la France dans leurs protectorats de Syrie et d’Irak. L’oléoduc traversant la Syrie devient un enjeu vital pour les Britanniques puisqu’il alimente leur flotte pour l’ensemble de la Méditerranée et se retrouve menacé par le gouvernement de Vichy nouvellement allié de l’Allemagne. Justifiant de la sorte l’invasion des territoires sur lesquels Français et Anglais détenaient des mandats, ces derniers envahissent l’Irak mais se retrouvent empêchés de poursuivre leur avancée en Iran en raison de la convention signée en 1921 et interdisant aux anciens occupants russes et anglais d’intervenir à l’intérieur des frontières iraniennes . Le contentieux entre l’Iran et le Royaume-Uni s’envenime lorsque Rezâ Shâh accepte d’accorder l’asile aux Irakiens vaincus, dont le Premier ministre déchu Rachid Ali al-Gillani, qui rejoindra rapidement Berlin.

  1. Les enjeux stratégiques de l’Iran pour les Soviétiques et les Britanniques

En vertu de la loi prêt-bail signée avec l’URSS adoptée par le Congrès américain en mars 1941, les Etats-Unis livrent du matériel militaire aux Soviétiques ; cette participation leur permet d’intervenir de manière directe dans le conflit sans recourir à la participation militaire, du moins jusqu’en 1942. Les convois s’acheminent dès lors à destination des villes russes de Mourmansk, Arkhangelsk et Severodvinsk à travers l’océan Arctique où les sous-marins de la Kriegsmarine et les chasseurs de la Luftwaffe exercent une pression considérable en coulant un nombre important de bâtiments alliés. Devant cette situation qui devient pour les Alliés un problème de plus en plus important en raison de son coût humain et matériel, l’Iran et son réseau de chemins de fer suscitent l’intérêt des Soviétiques qui décèlent son importance en raison de son éloignement des champs de bataille européens. L’Iran, en maintenant sa neutralité, empêche le moindre convoi de circuler sur son territoire, qu’il soit destiné à l’URSS ou bien qu’il relie les Indes britanniques à l’Egypte. De plus, l’offensive allemande au cours de l’opération Barbarossa en juin 1941 démontre la possibilité allemande de rejoindre rapidement le Caucase et de poursuivre son avancée en Azerbaïdjân, coupant ainsi efficacement l’approvisionnement du pétrole pour les Alliés en s’emparant des champs pétroliers de Bakou sous contrôle britannique.

L’opération Barbarossa est déclenchée le 22 juin 1941 : la Wehrmacht envahit l’URSS. Les villes de Minsk et Smolensk tombent rapidement, la seconde dès le 16 juillet, et Kiev est rapidement menacée en Ukraine, de même que les villes de Léningrad et Odessa. Les forces anglaises sont quant à elles confrontées à l’Afrika Korps du Général Rommel qui atteint la frontière égyptienne dans le courant du mois de juin 1941. Devant le risque de voir les forces allemandes se rejoindre au Moyen-Orient, les Britanniques prennent son contrôle en renversant les gouvernements qu’ils jugent non serviteurs de leurs intérêts : c’est le cas en Irak où le Premier ministre Rachid Ali al-Gillani est déchue en avril 1941 au terme d’une campagne militaire qui aura duré un mois et demi et s’achèvera par la signature d’un armistice le 31 mai. Durant le mois de juin, les Anglais aident les Forces Françaises Libres du Général de Gaulle à reconquérir le Liban et la Syrie, alors protectorats français sous les ordres de l’Etat français que gouverne le Maréchal Pétain à Vichy.

Le jour même de l’invasion allemande de l’URSS, l’ambassadeur britannique en poste à Moscou, Sir Stafford Cripps, demande au ministre soviétique des Affaires étrangères, Viatcheslav Molotov, de pénétrer militairement sur le territoire iranien. Dès lors, les consultations entre les deux nouveaux alliés vont rapidement convaincre Staline de passer à l’action, notamment devant le risque d’une menace portée par des agents allemands sur le transit du matériel américain à travers l’Iran. De même qu’il refuse ces convois, le Shâh refuse également d’expulser les résidents allemands présents en grand nombre en Iran.

Devant l’empressement diplomatique et la menace militaire des Anglais et des Soviétiques, Rezâ Shâh réaffirme le 26 juin 1941 la neutralité de l’Iran devant les ambassadeurs soviétique Andrey Andreyevich Smirnov et britannique Sir Reader Bullard qui le solliciteront encore le 19 juillet et le 16 août. Ces pressions renforcent les tensions et provoquent des rassemblements pro-allemands à Téhéran. Se heurtant au refus catégorique du souverain iranien d’engager l’Iran dans le conflit, les Soviétiques et les Britanniques n’ont d’autre choix que de se tourner vers l’option militaire : le 13 août 1941 est décidée l’invasion de l’Iran.

L’ambassade soviétique à Téhéran annonce 5000 Allemands présents sur le territoire iranien tandis que les autorités iraniennes dénombrent 2500 Britanniques, 390 Soviétiques contre 690 Allemands et 310 Italiens (les chiffres iraniens semblent le plus correspondre à la réalité). Devant la menace d’une attaque désormais imminente, le gouvernement décide le 19 août d’annuler les permissions et de mobiliser 30 000 réservistes. Les journaux et la radiophonie diffusent dès lors des discours patriotiques. Disposant d’une armée de 200 000 hommes répartis en une dizaine de divisions d’infanterie, près de 70 chars légers et moyens fournis par l’armée tchèque ainsi que d’une force aérienne composée de 80 avions, l’Iran n’est pas en mesure de faire face aux armées soviétiques et anglaises.

L’expulsion immédiate de l’ensemble des ressortissants allemands présents en Iran est enfin annoncée le 25 août par les autorités iraniennes mais il est trop tard : le Premier ministre Ali Mansour reçoit une note soviétique et une note anglaise l’informant des « mesures de protection » prises en « conformité avec le sixième paragraphe du traité de Moscou de 1921 » par leurs nouveaux envahisseurs face aux agissements des agents allemands présents en Iran.

 

  1. L’invasion de l’Iran en août 1941 : l’opération Countenance

Le 25 août 1941 est déclenchée l’opération Countenance, dont l’objectif est d’envahir l’Iran et de contrôler son territoire afin d’empêcher l’Allemagne de s’emparer des ressources pétrolières présentes en Azerbaïdjân et en Iran et de convoyer le matériel militaire américain en URSS. S’achevant le 17 septembre, cet évènement constitue l’un des épisodes de la Seconde Guerre mondiale parmi les plus ignorés en Occident. Son importance est pourtant capitale pour les Soviétiques et les Anglais, qui scellent par la même occasion leur première action militaire commune.

  1. Préparatifs de l’invasion

Les Britanniques informent les Soviétiques de leur complète préparation le 21 août 1941. Les Soviétiques étaient quant à eux particulièrement motivés par la nécessité de contrer l’arrivée éventuelle d’agents de renseignement et d’action allemands en Iran, comme en témoigne une directive prise le 8 juillet par le NKVD, le service de police politique soviétique. La planification des opérations est confiée au général Fiodor Tolboukhine, commandant du district militaire de Transcaucasie. Son dispositif est complété par le groupe britannique Iraq Force rebaptisé Paiforce pour Persian and Iraq Force et placé sous le commandement du lieutenant-général Sir Edward Quinan, également chargé de préparer le plan d’attaque.

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Le lieutenant-général Sir Edward Quinan.

La Paiforce est constituée des 8th et 10th Indian Infantry Division (8ème et 10ème Divisions d’Infanterie Indienne) du général William Slim, de la 2nd Indian Armoured Brigade (2ème Brigade Blindée Indienne) du général John Aizlewood, de la 1ème Brigade de Cavalerie du général James Kingstone et enfin de la 21st Indian Infantry Brigade (21ème Brigade d’Infanterie Indienne). De plus, les No. 94 Squadron RAF, No. 244 Squadron RAF et No. 261 Squadron RAF (94ème, 244ème et 261ème escadrons de la Royal Air Force) viennent compléter ce dispositif, composés respectivement de chasseurs Hurricane, de bombardiers Blenheim IV et d’avions biplans.

Quant aux troupes soviétiques, le général Dimitri Kozlov commande sur le front de Transcaucasie les 44ème, 47ème et 53ème  Armées soviétiques, représentant un total de 150 000 hommes, accompagnés dans les airs par les 36ème et 265ème régiments de chasse, ainsi que le 336ème régiment de bombardier. Les forces aériennes représentent plus de 500 appareils dont 225 avions de chasse, 207 bombardiers et 90 avions de reconnaissance.

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6ème Division Blindée soviétique dans la ville de Tabriz.

  1. Offensive anglaise

L’offensive débute le 25 août 1941 à cinq heures avec le bombardement dans le port d’Abâdân du navire iranien Palang (signifiant « panthère » en persan) par le bâtiment britannique HMS Shoreham. Les autres navires iraniens, pour la plupart des patrouilleurs des garde-côtes de faible tonnage, sont soit coulés soit capturés par des navires britanniques et australiens. Pendant ce temps, une partie des forces britanniques débarque à Bandar-é Shahpour depuis le croiseur HMAS Kanimbla dans le but d’investir et contrôler les installations pétrolières locales. La résistance iranienne ne dispose pas du temps nécessaire pour s’organiser, de plus que deux bataillons de la 8th Indian Infantry Division et 21th Indian Infantry Brigade partis de Bassorah traversent le fleuve Chatt-el-Arab qui délimite en partie la frontière avec l’Iran pour investir Abâdân. Ils ne rencontrent aucune résistance et occupent rapidement les infrastructures pétrolières, ainsi qu’ils contrôlent les nœuds de communication de la ville, protégés par les appareils de la RAF qui attaquent depuis l’aube les bases aériennes iraniennes et les infrastructures de communication.

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Le bâtiment de la Marine iranienne Badr coulé pendant l’assaut britannique.

Les terminaux pétroliers et les infrastructures pétrolières étant rapidement sécurisés, la 8th Indian Infantry Division (formées de 18th et 25th Indian Infantry Brigade placées sous le commandement de la 10th Indian Infantry Division) peut poursuivre son avancée dans le Khouzistân en direction de Qasr Shiekh qui sera prise le jour même et vers Ahvâz qu’elle atteindra le 28 lorsque Rezâ Shâh ordonnera la cessation des hostilités. Le soir du 25 août, l’armée iranienne est contrainte par le harcèlement aérien de la RAF de se battre en retraite en direction du nord-ouest ; l’aérodrome d’Ahvâz qui abrite une part importante de la flotte aérienne iranienne est détruit, empêchant de la sorte une réplique aérienne iranienne. Dès lors, les Britanniques contrôlent les villes d’Abâdân et Khorramshahr où la 6ème division iranienne opposa une forte résistance.

Le plan d’attaque britannique prévoit également un second axe plus au nord, où huit bataillons, dont  la 2nd Indian Armoured Brigade, commandés par le major-général William Slim font route depuis Khânaqîn (situé en Irak à seulement 12 kilomètres de la frontière iranienne) en direction des gisements de pétrole de Naft-é Shahr. Traversant le col Paytak, à proximité du village de Sarpol-é Zahab dans les monts Zagros, ils se heurtent le 27 août aux forces iraniennes qui y sont retranchées. Les Iraniens se rendent finalement dans la nuit du 29, demandant une trêve afin de négocier une reddition après leur bombardement et celui de Kermânshâh, où ils se replient.

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Soldats britanniques présents dans la raffinerie d’Abadân, le 4 septembre 1941.

  1. Offensive soviétique

L’offensive soviétique a été minutieusement préparée par les généraux de l’Armée rouge : commandée par le général Vladimir Novikov, la 47ème Armée est positionnée le long de la frontière irano-soviétique. Composée de 37 000 hommes répartis dans les 63ème et 76ème divisions de montagne, le 236ème régiment d’infanterie, la 23ème division de cavalerie, les 6ème et 54ème régiments blindés et deux bataillons motocyclistes, elle est l’armée la mieux entraînée en raison de sa préparation sur un terrain présentant les mêmes caractéristiques géographiques et climatiques que le nord de l’Iran. La 44ème Armée est quant à elle basée près d’Astara, le long de la mer Caspienne et regroupe 30 000 hommes.

La 53ème Armée soviétique, sous le commandement du général Sergei Trofimenko, est constituée de forces issues du district militaire soviétique d’Asie centrale. Stationnée à Achgabat, au Turkménistan, elle est chargée de rejoindre Téhéran par le nord-est de l’Iran.

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Artillerie soviétique convoyée dans la ville de Tabriz.

Le 24 août 1941, les 44ème et 47ème Armées prennent position le long de la frontière iranienne. Le 25, les gardes-frontières soviétiques coupent dès l’aube les lignes de communication iraniennes, tandis que les forces aériennes soviétiques pénètrent dans le ciel iranien pour larguer des tracts en plus de mener des opérations de reconnaissance et de bombardement. La ville iranienne de Makou, proche de la frontière turque, est bombardée dans le but de neutraliser ses défenses. Les chasseurs soviétiques sillonnent le ciel iranien afin d’éliminer toute menace iranienne supposée atteindre la ville de Bakou, en Azerbaïdjân. Le président du parlement iranien déclare dans un premier temps le bombardement des villes de Tabriz, Ardabil, Rasht et Mashhad, avant que ces informations ne soient démenties. Dans le même temps, l’offensive terrestre se scinde en deux groupes, le premier partant de Tbilissi (située en Géorgie) pour rejoindre Tabriz et le second partant de Bakou pour rejoindre les troupes débarquées à Bandar-é Pahlavi (dénommé aujourd’hui Bandar-é Anzali), plus importante ville portuaire située au nord-ouest de la capitale. Les mauvaises conditions météorologiques perturbent le débarquement du 563ème bataillon d’artillerie qui doit retarder son arrivée ; seul le 105ème régiment d’infanterie de montagne parvient à gagner la côte iranienne. L’opération soviétique connaît des difficultés lorsque qu’un bâtiment soviétique est victime d’un tir ami résultant d’une confusion avec une vedette iranienne.

Le franchissement de la rivière Astarachay située au sud de la ville azérie d’Astara est retardé en raison de la pluie qui s’abat sur cette ville frontalière. Constituant l’opération la plus délicate, l’avancée des troupes terrestres est soutenue par la flotte soviétique. Devant l’avancée de la 44ème Armée, la 15ème division d’infanterie iranienne est obligée de battre en retraite ; les soviétiques parviennent de la sorte à s’emparer de Ahmadâbâd et Ardabil, dans laquelle ils font prisonniers les autorités civiles et militaires qui n’ont pas eu le temps d’évacuer la ville.

Vidéographie des informations intitulée Allies meet in Iran datant de 1941.

Du côté arménien, la 47ème Armée suit la route de Djoulfa (en Azerbaïdjân) jusqu’à Khoy et Tabriz et progresse sur une distance de 70 kilomètres dans le territoire iranien. La 76ème division de montagne entre dans Tabriz le 26 août sans rencontrer de résistance. Le jour même, les soldats de la 47ème Armée longent le chemin de fer trans-iranien en direction du sud avec l’objectif de rejoindre Qazvin.

Le 27 août, alors que les Soviétiques contrôlent une ligne Khoy-Tabriz-Ardabil, la 53ème Armée stationnée au Turkménistan pénètre à son tour le territoire iranien, le 58ème corps d’infanterie à l’ouest, quatre corps de cavalerie à l’est et la 8ème division de montagne au milieu. Face à eux, les 9ème et 10ème divisions d’infanterie iraniennes défendent le nord-est de Téhéran : la 9ème  bat en retraite pour rejoindre les lignes défensives fixées dans les montagnes de Mashhad, à l’est, et Gorgân, à l’ouest, tandis que la 10ème ne peut demeurer opérationnelle en raison d’importantes désertions. Mashhad tombera aux mains des Soviétiques le soir même.

  1. Réaction iranienne et demande d’aide auprès des Etats-Unis

Les ambassadeurs anglais Bullard et soviétique Smirnov se présentent à Sa’ad Abâd le 25 août 1941 à 6 heures chez le premier ministre Ali Mansour afin de lui remettre la déclaration de guerre provoquée selon eux par l’intransigeance de Rezâ Shâh à demeurer neutre. Mansour refuse de céder et montre sa fermeté face aux deux ambassadeurs. Dans la foulée de leur départ, un Conseil des ministres est réuni afin de rendre compte de la situation.

Constatant la violation de la neutralité iranienne, Rezâ Shâh s’adresse au président américain Franklin D. Roosevelt en lui envoyant le jour même une lettre l’exhortant à prendre la défense d’un Etat neutre, invoquant la Charte de l’Atlantique déclarée le 14 août 1941 : « […] sur la base des déclarations que votre Excellence a faites à plusieurs reprises concernant la nécessité de défendre les principes d'une justice internationale et le droit des peuples à la Liberté. Je demande à votre Excellence de prendre des mesures humanitaires efficaces et urgentes pour mettre un terme à cet acte d'agression. Cet incident a lieu dans un pays neutre et pacifique qui n'a d'autre objectif que la sauvegarde de sa tranquillité et de ses réformes. »

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Soldats britanniques.

Roosevelt lui adresse la réponse suivante : « Voyant que la question dans son intégralité ne repose pas seulement sur la question vitale à laquelle votre Majesté Impériale fait référence, mais aussi sur d'autres considérations de base soulevées par les ambitions de conquêtes mondiales de Hitler, il est certain que le mouvement de conquête de l'Allemagne se poursuivra et va s'étendre de l'Europe à l'Asie, à l'Afrique, et même aux Amériques, à moins d'être stoppé par la force militaire. Il est également certain que les pays qui veulent garder leur indépendance doivent s'engager dans un grand effort commun s'ils ne veulent pas être engloutis un par un, comme cela est arrivé à un grand nombre de pays en Europe. En reconnaissance de ces vérités, le Gouvernement et le peuple des États-Unis d'Amérique, comme on le sait, ne sont pas seulement en train de développer les défenses de ces pays avec toute la vitesse possible, mais ils sont aussi entrés dans un énorme programme extensif d'assistance matérielle aux pays qui sont activement engagés dans la résistance aux ambitions allemandes de domination du monde. »

Cette réponse est jugée décevante, mais Roosevelt tente de rassurer Rezâ Shâh en affirmant le désintérêt soviétique et britannique concernant le territoire iranien en citant « la déclaration faite au gouvernement iranien par les gouvernements britannique et soviétique, précisant qu'ils n'ont aucun dessein sur l'indépendance ou l'intégrité territoriale de l'Iran ». L’Histoire montrera que ces promesses ne seront pas tenues, ni par les Américains et les Britanniques avec le coup d’Etat de 1953, ni par Staline qui soutiendra la politique expansionniste du premier secrétaire du parti communiste d’Azerbaïdjân Bagirov Jafar, qui souhaitait annexer les provinces du nord de l’Iran.

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Soldats britanniques.

  1. L’offensive anglo-soviétique vue par les Iraniens

Devant l’évidente situation de défaite, à laquelle s’ajoute les combats de Khorramshahr qui furent un véritable massacre pour les Iraniens, le Shâh n’est guère dupe de l’évolution de la situation pour l’Iran, et ce en dépit des preuves de bonne volonté qu’il témoigne devant les Britanniques et les Soviétiques en intensifiant les expulsions des citoyens allemands, roumains et italiens. Le Premier ministre Ali Mansour est contraint de remettre sa démission qui sera effective lorsqu’un successeur présentant les compétences nécessaires pour gérer au mieux cette catastrophe nationale sera trouvé.

Rezâ Shâh consulte durant toute la journée du 25 août de nombreux conseillers ou personnages centraux de l’Etat ; il songe même à rappeler son vieil ennemi qu’il fit chuter en 1925 pour s’emparer du pouvoir, Ghavam os-Saltâneh, qui se trouve bloqué dans le nord tombé aux mains des Soviétiques. Devant l’impasse qui s’impose à lui, le souverain n’a d’autre choix que de consulter un ancien compagnon qu’une fâcherie avait séparé, Mohammad Ali Foroughi, qui sera nommé Premier ministre le 27 août à l’issue d’un entretien auquel il se fit attendre. Pour ce dernier, tous les moyens permettant de sauvegarder l’indépendance de l’Iran et son intégrité territoriale doivent être mis en œuvre, même s’ils doivent entraîner la chute de Rezâ Shâh.

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Rencontre des armées soviétique et britannique.

Principalement conçue pour maintenir l’ordre interne et régler les incidents frontaliers ou sécessionnistes, l’armée iranienne ne peut s’opposer aux armées soviétiques et anglaises, beaucoup mieux équipées et entraînées. La Marine iranienne est presque entièrement détruite dès le premier jour de l’offensive. Cependant, les troupes iraniennes parviennent tout de même à immobiliser un certain temps l’avancée anglaise à Ahvâz et Kermânshâh, profitant de cette favorable opportunité pour demander un cessez-le-feu. L’armée de l’air iranienne est complètement anéantie par la Royal Air Force dès le 28 août, privant ainsi les forces terrestres d’un soutien aérien qui les pousse à se replier vers Téhéran afin d’en organiser la défense. L’Iran est coupé en deux, d’une part par l’avancée britannique renforcée et concentrée depuis les prises de Kermânshâh et Ahvâz, et d’autre part par l’Armée rouge dont l’avancée constitue une ligne passant par les villes de Mahâbâd, Qazvin, Sâri, Dâmghân et Sabzevâr, reliant le nord-ouest du pays jusqu’à la frontière afghane et menaçant le nord de Téhéran. Alors que les 3ème, 4ème, 11ème et 15ème divisions sont hors de combat, seule la 9ème division d’infanterie demeure en état de défendre la capitale, dernière grande ville d’Iran qui n’est pas encore occupée.

Ce 29 août, alors que les Britanniques occupent depuis la veille les villes de Khorramshahr et Ahvâz, le général Ahmad Nakhadjavân, alors ministre de la guerre, ordonne la dissolution de l’armée et la démobilisation des troupes avec l’objectif incertain de préserver les soldats iraniens. Apprenant la nouvelle par la radiophonie nationale au cours d’une réunion d’état-major, Rezâ Shâh explose littéralement de colère et exige l’exécution du général et d’un officier au motif de connivence avec l’ennemi. Son assistance parvient à le calmer et le général Nakhadjavân est finalement destitué. Devant la débâcle, le général Ahmad Amir Ahmadi et la gendarmerie, placée sous le commandement du général Mohammad Fazlollâh Zâhedi, maintiennent l’ordre dans Téhéran où déambulent des cohortes de soldats désarmés et confus.

Vidéographie des informations intitulée More news pictures from Iran datant de 1941.

Dès sa prise de fonction, le Premier ministre Foroughi envoie aux Soviétiques et Britanniques les clauses d’un armistice qui sera signé le 29 août avec les Britanniques et le 30 avec les Soviétiques. Les deux armées alliées se rencontrent à Senna (nom kurde de Sanandaj)  le 30 août, puis à Qazvin le 31. Cependant, en raison d’une insuffisance de moyens de transport, les Britanniques ne peuvent s’établir entre Hamadân et Ahvâz.

  1. Bilan de l’opération Countenance en Iran

Concernant le bilan matériel, l’Iran perd au cours de cette invasion deux bâtiments tandis que quatre autres sont endommagés ; six avions de chasse sont également abattus. Les Britanniques perdent quant à eux un char qui fut détruit par les défenseurs iraniens et les Soviétiques trois avions de chasse.

Concernant le bilan humain, les Britanniques dénombrent 22 morts et 50 blessés et les Soviétiques 40 morts et une centaine de blessés. Le plus lourd tribut est payé par les Iraniens : plus de 800 soldats perdent la vie, dont l’amiral Gholâmali Bâyandor[4], et 200 civils sont tués au cours des raids aériens menés par l’armée de l’air soviétique au Gilân.

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L’amiral Gholâmali Bâyandor.

Cette offensive s’avère être un succès pour les Soviétiques, durement éprouvés par l’attaque allemande du mois de juin : leurs objectifs sont atteints en grande partie grâce à l’efficacité du génie et des pontonniers, en dépit du débarquement compliqué des unités de l’Armée rouge le long des côtes de la mer Caspienne. Leur gain est triple : non seulement l’URSS peut recevoir son matériel plus sûrement et développer son alliance nouvellement conclue avec la Grande-Bretagne, mais elle met également la main sur les importantes réserves pétrolifères iraniennes nécessaires à l’alimentation de son effort de guerre. Cependant, la victoire est de courte durée pour la majorité des soldats puisqu’ils sont rapidement renvoyés sur le front allemand. Les Britanniques récupèrent quant à eux leurs intérêts économiques et territoriaux leur permettant le contrôle du Moyen-Orient ainsi que la liaison des Indes britanniques jusqu’à l’Afrique du Nord. Les grands gagnants de l’invasion de l’Iran sont les Etats-Unis, qui peuvent désormais écouler en plus grande quantité encore la production de leur machine industrielle, parmi les facteurs de la victoire des Alliés. De plus, les trois puissances sont libres d’exploiter à leur guise les ressources iraniennes.

Les raisons invoquées pour justifier cette invasion sont largement discutables : il n’y a guère plus d’agents allemands dans ce pays que dans d’autres et les convois de matériel via le Corridor perse ne prennent leur importance qu’après le renforcement de la présence allemande en Mer du Nord en juin 1942.

 

III. L’occupation de l’Iran par les armées britannique et soviétique et ses conséquences

  1. L’abdication de Rezâ Shâh et l’investiture de Mohammad Rezâ Pahlavi

Alors que les troupes ennemies sont aux portes de Téhéran, l’ambassadeur allemand est prié par le Premier ministre Foroughi de quitter le territoire iranien en compagnie du personnel diplomatique, tandis que les ambassades hongroise, italienne et roumaine sont fermées. Les citoyens allemands présents en Iran sont alors déférés aux administrations militaires britannique et soviétique.

L’accord entérinant le partage de l’Iran en deux zones d’occupation est signé le 8 septembre : les rives de la Caspienne et le nord-ouest du pays, correspondant à l’Azerbaïdjân iranien, passent sous la domination soviétique tandis que les zones pétrolifères de Kermânshâh et Abâdân sont contrôlées par les Anglais, dont les concessions pétrolières sont renouvelées à des conditions plus avantageuses que précédemment pour l’Anglo-Persian Oil Company durant une période correspondant à la durée de la présence étrangère en Iran.

L’ambassadeur britannique Sir Reader Bullard rencontre le Premier ministre Foroughi le 11 septembre pour lui notifier l’exigence de la déposition de Rezâ Shâh et la succession de son fils Mohammad Rezâ Pahlavi, plus en accord avec les Britanniques que son père. Son homologue à Moscou, Sir Richard Stattford Cripps, obtient l’approbation de Staline le 12 pour ce projet décidé en dépit de l’acceptation du souverain iranien des conditions imposées par les Alliés. Prétextant le motif de l’assertion d’agents allemands présents en Iran et susceptibles de commettre des actions de guérilla à l’encontre des troupes d’occupation, ces dernières font route vers la capitale le 15. Oyant les radios de Londres, New Dehli et Moscou qui l’attaquent sans cesse, Rezâ Shâh comprend qu’il est dès lors acculé et n’a d’autre solution que d’abdiquer et de quitter la capitale sous deux jours, les Alliés lui ayant signifié qu’il règlerait le problème eux-mêmes en cas de refus de sa part de se soumettre à leur dictat. Les représentations diplomatiques allemande, italienne et roumaine sont donc renvoyées, tandis que les Soviétiques enjoignent l’instauration d’une république dont le dessein à peine voilé de sa maniabilité ne contrarie guère les Britanniques, songeant au rétablissement de la dynastie qâdjâre. Soltân Hamid Mirzâ, le fils de Mohammad Hassan Mirzâ et neveu du dernier souverain qâdjâr Ahmad Shâh déposé en 1925, est approché en raison de son caractère anglophile et de sa réputation d’homme cultivé et raffiné, qualités qui aux yeux des Anglais sont nécessaires à la fonction d’un souverain ; ils sont cependant obligés d’abandonner cette hypothèse puisque Soltân Hamid Mirzâ, ayant quitté l’Iran à quatre ans, ne parle pas le persan.

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Rezâ Shâh durant les dernières années de son règne.

Les Britanniques n’avaient vraisemblablement pas envisagé l’investiture de Mohammad Rezâ Pahlavi, au contraire de Foroughi et Rezâ Shâh. Le jeune héritier, alors âgé de vingt-et-un ans, hésite devant ses craintes d’un coup de force allié pour le déposer à son tour. Le matin du 16 septembre 1941, Rezâ Shâh reçoit une dernière fois au Palais de Marbre Foroughi venu rédiger l’acte d’abdication[5] qu’il lira immédiatement après devant le Parlement réuni, conférant ainsi le pouvoir au Premier ministre jusqu’au serment de son successeur. Selon Yves Bomati et Houchang Nahâvandi[6], à la question de Mohammad Rezâ saluant son père devant le Palais « Et si les Russes entrent dans la capitale, ce sera la révolution ? », Rezâ Shâh répliqua d’un ton sarcastique « Il ne se passera rien, ils veulent seulement ma peau. Et ils l’ont eu. ». Le souverain déchu gagne ensuite les jardins où l’attend avec ses enfants, à l’exception du prince héritier, une automobile qui le conduira sur le chemin de l’exil.

Foroughi retourne au Palais de Marbre l’après-midi pour retrouver Mohammad Rezâ Pahlavi et le convaincre de prêter serment, condition nécessaire pour devenir roi exigée par la Constitution de 1906. Ils gagnent alors le Parlement situé dans le quartier du Baharestân, sécurisé par le général Amir-Ahmadi, afin de prêter serment sur la Constituion de 1925 : Mohammad Rezâ Pahlavi devient roi à 15 heures et 10 minutes. A peine le nouveau souverain et le Premier ministre ont-ils quitté le Parlement à 16 heures que les soldats britanniques et soviétiques investissent la capitale. La situation en reste cependant là, les Alliés ne voulant aucunement courir le risque d’une insurrection populaire en destituant Mohammad Rezâ Pahlavi.

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Mohammad Rezâ Pahlavi

Rezâ Shâh est arrêté par les Britanniques et envoyé dans un premier temps à Ispahan. Les quelques agents allemands présents à Téhéran, comprenant que la situation est irrémédiablement perdue pour leur cause, quittent la capitale pour gagner comme ils le peuvent des zones plus sûres pour eux. Les troupes soviétiques et britanniques quittent à leur tour Téhéran le 17 octobre pour rejoindre leurs cantonnements dans leurs zones d’occupation respectives qui divisent le pays en deux. Ce qui demeure de l’armée impériale dans le nord est interdit de déploiement par les Soviétiques qui prennent désormais le contrôle du nord de l’Iran au détriment du gouvernement central.

  1. L’exil de Rezâ Shâh et son décès en 1944

Rezâ Shâh vit d’abord reclu à Ispahan en compagnie notamment de sa fille Ashrâf qui constate le soudain vieillissement de son père et suspecte quelques attaques cardiaques consécutives aux évènements et à sa prédisposition sanitaire. Les Alliés le considèrent toujours comme un potentiel danger, aussi décident-ils de lui faire quitter définitivement l’Iran. Initialement prévu pour l’Argentine, son voyage est subitement dérouté pour l’Ile Maurice, et ce, en dépit des protestations du souverain déchu. Il sera par la suite transféré à Johannesburg, en Afrique du Sud, en fin d’année 1942 ; vivant auprès des siens, sa fille Shams lui tient compagnie et décrit un homme abattu dont les photographies témoignent d’un vieil homme amaigri et ne souriant jamais, rongé par l’ennui et la rancœur, qui conservera jusqu’à ses derniers jours une poignée de terre ramassée avant son départ en exil. Même la visite de sa fille Ashrâf durant l’hiver 1942-1943 et les présents de sa petite-fille Shahnâz ne parviennent à changer son état, dont les problèmes cardiaques s’aggravent.

Il reçoit le 25 juillet 1944, la veille de sa mort, un disque provenant de Téhéran et sur lequel son fils avait enregistré un message à son intention. En réponse, il part enregistrer sa réponse qu’il enverra à son héritier : « Ne crains rien et va de l’avant ! J’ai posé de solides fondations pour un Iran nouveau. Poursuis mon œuvre. Et n’accorde jamais ta confiance aux Anglais. »[7] Rezâ Shâh est découvert mort le lendemain 26 juillet par son majordome Izadi ; il succomba d’un arrêt cardiaque durant son sommeil.

 

La Seconde Guerre mondiale en Iran – Introduction

La Seconde Guerre mondiale en Iran – Deuxième partie


[1] Ahmad Matin-Daftari (1897-1971) fut également sénateur. Il était titulaire d’un doctorat passé en France.

[2] Mahmoud Jâm (1884-1969) fut Premier ministre du 3 décembre 1935 au 26 octobre 1939. Francophone autodidacte, il occupa diverses fonctions comme professeur de français, traducteur, ministre des Affaires étrangères, ministre des Finances, ministre de l’Intérieur, sénateur et ambassadeur en Egypte et en Italie. Son fils Fereydoune épousera Shams Phalavi, la sœur de Mohammad Rezâ Pahlavi.

[3] Ali Mansour (1890-1974) fut également ambassadeur en Italie, au Vatican et en Turquie, ainsi que Premier ministre à deux reprises (une seconde fois du 23 mars au 26 juin 1950).

[4] Après des études primaires et secondaires à Téhéran, Gholâmali Bâyandor (né le 13 décembre 1898) est admis à l’Ecole de l’Armée en 1920, d’où il sort avec le grade de second lieutenant. Il participe en 1921 aux opérations de pacification dans la province du Mâzandarân qui lui vaudront la médaille d’or des opérations militaires remise par Rezâ Pahlavi, alors sardâr-é sepâh. Il part ensuite se spécialiser en France à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr et à l’Ecole de Guerre de Paris.  Il fera également partie des premiers officiers envoyés en formation en Italie en 1931 afin de composer la Marine impériale iranienne dont il prend le commandement. Il est tué le matin du 25 août 1941, refusant de quitter son bâtiment qui est en proie aux tirs britanniques.

[5] Nous reproduisons ici cette déclaration, en date du 25 shahrivar 1320, correspondant au 16 septembre 1941 :

« Pahlavi, Chah d’Iran,

Considérant le fait, que j’ai dépensé toute mon énergie dans les affaires du pays durant toutes ces années et m’y suis affaibli, je sens que maintenant le temps est venu pour une jeune personne énergique et habile de prendre en charge les affaires du pays, qui nécessitent de constantes attentions, et de s’en donner les moyens, pour la prospérité et le bien-être de la nation. Ainsi, j’ai confié la charge monarchique au Prince Héritier, mon successeur, et me suis résigné. À partir de ce jour, le 25 shahrivar 1320, la nation entière, à la fois les civils et les militaires, doivent reconnaître en la monarchie mon Prince Héritier et successeur légal, et faire pour lui tout ce qu’ils ont fait pour moi, protégeant les intérêts du pays.

Palais de Marbre, Téhéran, 25 shahrivar 1320, Reza Chah Pahlavi »

[6] Yves Bomati et Houchang Nahâvandi, Mohammad Réza Pahlavi : le dernier shah / 1919-1980, Perrin, 2013.

[7] Cette anecdote est rapportée par Amir Aslan Afshar et Ali Mirfatrous dans leur ouvrage Mémoires d'Iran : complots et trahisons, Mareuil Editions, 2016.